Mais, comme dans toute entreprise, l’avenir de celle-ci ne doit pas dépendre d’un seul individu et le chef de chœur doit avoir une capacité à déléguer, à partager les tâches, à consulter, à mettre chacun en valeur, que ce soit dans des rôles administratifs, opérationnels ou musicaux.
Nos associations chorales ont depuis longtemps l’habitude de fonctionner avec un président, un trésorier, un secrétaire, un gestionnaire des partitions, un logisticien des week-ends, un responsable des clés, des tenues, des pots, que sais-je encore… Mais dans bien des chœurs, le chef conserve la main-mise sur tout ce qui touche à l’acte musical. Tout au plus il délègue parfois la « corvée » de déchiffrage à quelques chefs de pupitre pour « gagner du temps »…
Lorsque j’ai créé l’ensemble vocal Alter Echo de Lyon, il y a 4 ans, j’ai souhaité fixer des objectifs ambitieux au groupe et j’ai donc choisi de recruter sur audition, pour former un groupe capable et volontaire pour se lancer dans cette aventure. Mes choristes ne sont pas tous des lecteurs à vue ou des solistes en puissance – ce n’est pas le but recherché – mais ils se sont engagés dans une démarche de travail et de progrès car, comme moi, ils savent que le chœur décuple nos forces individuelles et que ce surpassement collectif est une des clés de la plénitude, du bien-être et des émotions que procure le chant choral.
Souhaitant combler le fossé qui existe parfois entre une recherche collective de musicalité (rôle incombant complètement au chef de chœur lors des répétitions) et un travail vocal individuel proposé par certains professeurs (orienté soliste), j’ai cherché un dénominateur commun permettant de travailler sur tous les tableaux, tout en remplissant les trois impératifs qui me semblaient incontournables : efficacité pour le chœur, cohérence pour le choriste, et économie pour tout le monde.
Peut-être par humilité, en tout cas conscient de mes limites dans le domaine de la technique de la voix, j’ai choisi, depuis plus d’un an, de faire intervenir régulièrement, selon un rythme d’environ une répétition sur deux ou trois, une spécialiste dans ce domaine en la personne de Delphine Terrier, soliste et professeur de chant. Elle m’accompagne dans l’échauffement vocal, exercice primordial pour une bonne préparation physique et mentale, mais surtout elle participe pleinement à la suite de la répétition et intervient quand bon lui semble pour corriger tout ce qui peut permettre d’améliorer techniquement le rendu vocal du groupe.
Elle n’empiète ni sur mes choix de répertoire ni sur mes choix d’interprétations, mais par son apport technique, elle se met au service du son que je recherche. Placée derrière moi, elle scrute et écoute les choristes sans avoir le souci de la direction. Elle est amenée à corriger collectivement la gestion physique et sensorielle des nuances et des sonorités, la diction des consonnes et des voyelles. Parfois, simplement par signes et sans m’arrêter, elle corrige individuellement la posture de l’un, la position de mâchoire d’un autre, ou l’ouverture de visage d’un troisième… Tout ce qui se dit en phase d’échauffement doit devenir un réflexe en phase de chant.
Lors d’un week-end de répétition, pendant lequel nous avons un peu plus de temps, elle s’isole avec tel ou tel pupitre pour travailler en profondeur la couleur, la puissance ou l’homogénéité, par des conseils techniques plus individualisés.
Enfin, lors d’un filage, elle joue le rôle du spectateur exigeant, du maniaque attentif au moindre défaut, du juge de concours intransigeant…
Indirectement, Delphine m’oblige à me remettre moi-même en question car j’ajuste ma gestique en fonction de ses remarques. Elle est un peu ma double conscience… mon « alter ego ».
Aujourd’hui le chœur est très heureux de ce travail en binôme qui a rapidement porté ses fruits. Je sais qu’il a contribué grandement à notre réussite lors du dernier Florilège Vocal de Tours en mai 2007, au cours duquel nous avons remporté le Premier Prix du concours national. Elle sait que je partage entièrement ce succès avec elle.
Alain Louisot
Avec la collaboration de Delphine Terrier
Article paru dans « Polyphonies » Revue de chant Choral A coeur joie n°15 – Février 2008
Nos associations chorales ont depuis longtemps l’habitude de fonctionner avec un président, un trésorier, un secrétaire, un gestionnaire des partitions, un logisticien des week-ends, un responsable des clés, des tenues, des pots, que sais-je encore… Mais dans bien des chœurs, le chef conserve la main-mise sur tout ce qui touche à l’acte musical. Tout au plus il délègue parfois la « corvée » de déchiffrage à quelques chefs de pupitre pour « gagner du temps »…
Lorsque j’ai créé l’ensemble vocal Alter Echo de Lyon, il y a 4 ans, j’ai souhaité fixer des objectifs ambitieux au groupe et j’ai donc choisi de recruter sur audition, pour former un groupe capable et volontaire pour se lancer dans cette aventure. Mes choristes ne sont pas tous des lecteurs à vue ou des solistes en puissance – ce n’est pas le but recherché – mais ils se sont engagés dans une démarche de travail et de progrès car, comme moi, ils savent que le chœur décuple nos forces individuelles et que ce surpassement collectif est une des clés de la plénitude, du bien-être et des émotions que procure le chant choral.
Souhaitant combler le fossé qui existe parfois entre une recherche collective de musicalité (rôle incombant complètement au chef de chœur lors des répétitions) et un travail vocal individuel proposé par certains professeurs (orienté soliste), j’ai cherché un dénominateur commun permettant de travailler sur tous les tableaux, tout en remplissant les trois impératifs qui me semblaient incontournables : efficacité pour le chœur, cohérence pour le choriste, et économie pour tout le monde.
Peut-être par humilité, en tout cas conscient de mes limites dans le domaine de la technique de la voix, j’ai choisi, depuis plus d’un an, de faire intervenir régulièrement, selon un rythme d’environ une répétition sur deux ou trois, une spécialiste dans ce domaine en la personne de Delphine Terrier, soliste et professeur de chant. Elle m’accompagne dans l’échauffement vocal, exercice primordial pour une bonne préparation physique et mentale, mais surtout elle participe pleinement à la suite de la répétition et intervient quand bon lui semble pour corriger tout ce qui peut permettre d’améliorer techniquement le rendu vocal du groupe.
Elle n’empiète ni sur mes choix de répertoire ni sur mes choix d’interprétations, mais par son apport technique, elle se met au service du son que je recherche. Placée derrière moi, elle scrute et écoute les choristes sans avoir le souci de la direction. Elle est amenée à corriger collectivement la gestion physique et sensorielle des nuances et des sonorités, la diction des consonnes et des voyelles. Parfois, simplement par signes et sans m’arrêter, elle corrige individuellement la posture de l’un, la position de mâchoire d’un autre, ou l’ouverture de visage d’un troisième… Tout ce qui se dit en phase d’échauffement doit devenir un réflexe en phase de chant.
Lors d’un week-end de répétition, pendant lequel nous avons un peu plus de temps, elle s’isole avec tel ou tel pupitre pour travailler en profondeur la couleur, la puissance ou l’homogénéité, par des conseils techniques plus individualisés.
Enfin, lors d’un filage, elle joue le rôle du spectateur exigeant, du maniaque attentif au moindre défaut, du juge de concours intransigeant…
Indirectement, Delphine m’oblige à me remettre moi-même en question car j’ajuste ma gestique en fonction de ses remarques. Elle est un peu ma double conscience… mon « alter ego ».
Aujourd’hui le chœur est très heureux de ce travail en binôme qui a rapidement porté ses fruits. Je sais qu’il a contribué grandement à notre réussite lors du dernier Florilège Vocal de Tours en mai 2007, au cours duquel nous avons remporté le Premier Prix du concours national. Elle sait que je partage entièrement ce succès avec elle.
Alain Louisot
Avec la collaboration de Delphine Terrier
Article paru dans « Polyphonies » Revue de chant Choral A coeur joie n°15 – Février 2008